“Visiting Mexican Bands”
(1876-1955)

Ce livre est un “accident.” Alors que je recherchais les carrières de quelques Professeurs qui ont dirigé les grands orchestres à La Nouvelle-Orléans dans la dernière partie du 19e siècle et la première partie du 20e siècle, je trouvais souvent des informations sur des orchestres mexicains avec lesquels ils partageaient parfois la scène. Certains étaient nommés, d’autres non, et c’est ce qui a piqué ma curiosité et m’a amené à m’intéresser à eux.

Dans la troisième partie de sa “Mexican Band Legend” (The Jazz Archivist, Vol. XX - 1-10, 2007), l’historien néo-orléanais Jack Stewart formulait le vœu que les recherches soient continuées au sujet des orchestres mexicains qui avaient visité La Nouvelle-Orléans entre 1884 et 1920. J’ai décidé de consacrer quelques semaines à cette recherche… qui m’a finalement occupé cinq années. Les fragments trouvés s’avérèrent fort nombreux, car beaucoup d’orchestres militaires et typiques ont diverti les publics américains entre 1880 et 1950, et le puzzle qui a pris forme a révélé une histoire très différente de celle généralement admise. Le Capitaine Payén et l’orchestre du 8e de Cavalerie mexicaine qui souleva une énorme engouement à La Nouvelle-Orléans en 1884 ont été les premiers et les plus connus des musiciens qui ont visité la “république sœur”. Mais leur renommée a occulté la réputation de chefs d’orchestres (dont beaucoup de compositeurs) tels que Fernando Villalpando, Miguel Rios Toledano, Lorenzo Santibanez, Velino M. Preza, Ricardo Pacheco, Alfredo Pacheco, Augusto Azzali, Antonio Cuenca, Juan Marcias, Domingo Lopez, les Professeurs Mojica et Perez, Trinidad Concha, Carlos Melo, Nabor et Ambrosio Vázquez, Pedro A. Nieva, Jesse E. Roach, Francisco Duran, Ysaac Romero, Colonel Corella, Melquiades Campos, Juan Avalos, Ramon Hernandez, Eusebio Rojos Cabrera, Domingo Lopez, Juan Macias, Francisco Davila, Federico Gomez, José Briseño, Antonio R. Villalva, Victor C. Prescaldo, José Garcia, Federico Gomez, Capt. Caballero, Antonio R. Villalva, José Mangas, Manuel Escajeda, Angel Mercado, Antonio Maneiro, Louis Taforya, Casare Torsiello, Manuel Rosas… et quelques autres.
Cette renommée du 8e de Cavalerie mexicaine a aussi occulté le rôle des orchestres espagnols (“estudiantinas”) qui ont répandu la “Spanish music” aux Etats-Unis durant la période 1880-1890, et ont permis l’apparition d’orchestres typiques, notamment les groupes (italien, puis mexicain) dirigé par Carlos Curti, qui se sont produits à La Nouvelle-Orléans dans les années 1880s. Cela a également occulté l’importance d’autres orchestres typiques qui ont parcouru les Etats-Unis des années 1880 jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, notamment ceux de Juventino Rosas, Juan N. Torreblanca, José Briseño, et de Miguel Lerdo de Tejada. Après la fin de l’occupation française en 1867, la fonction des orchestres militaires mexicains a évolué. Il leur était maintenant demandé de jouer pour des foules civiles au Mexique et à l’étranger, notamment aux Etats-Unis. Durant une soixantaine d’années, musique et politique allaient être ainsi étroitement mêlées. Sous les gouvernements de Porfirio Diaz, de nombreux orchestres mexicains allaient être envoyés au nord, mais parfois une tension entre les deux républiques en restreignait le nombre. Cela fut notamment évident pendant la Révolution mexicaine (1910-1920). La Dépression des années 1930 s’est également avéré un moment défavorable pour la venue d’orchestres mexicains aux Etats-Unis, et la Second Guerre mondiale a mis fin au processus. Envoyés pour des raisons diplomatiques, les orchestres militaires et typiques tinrent le rôle d’ambassadeurs politiques et culturels, et ont souvent été confrontés aux meilleurs groupes militaires nord-américains et européens lors des nombreuses foires et expositions qui ont eu lieu durant cette période. Tous ces orchestres se sont influencés d’une façon ou d’une autre, soit à travers leurs répertoires, soit par leur instrumentation ou leur style. Les orchestres militaires mexicains jouaient pratiquement le même répertoire que les orchestres nord-américains et européens, c’est-à-dire de la musique classique, des marches militaires et de la musique populaire « légère », ainsi que de la musique mexicaine.

Les orchestres mexicains ont souvent joué à La Nouvelle-Orléans, dans les grandes villes nord-américaines, et à la Maison Blanche au moins trois fois. Pendant cette période quelques orchestres militaires mexicains se sont produits en Espagne, à Paris et en Allemagne. Curieusement la plupart des ouvrages qui traitent du Mexique et des foires internationales abondent en information au sujet de l’architecture, des arts, de l’agriculture, de l’industrie, de l’ethnographie, mais sont oublieux de la musique mexicaine, alors que c’est cet art qui a permis de construire une image positive de la nation mexicaine.

Les principaux orchestres militaires et typiques mexicains sont mentionnés dans cette étude, mais nous avons mis de côté les orchestres mexicains des villes nord-américaines, sauf exception. Les programmes des concerts ont été conservés pour permettre d’apprécier l’ampleur des répertoires de ces orchestres, leur évolution au fil des ans. Des essais de discographies des principaux orchestres sont également présentés.
L’ouvrage est structuré en 10 chapitres, un par décennie, à partir des années 1880. Le texte est pour l’instant en anglais. Antonio Saborit, directeur du Musée d’Anthropologie, et Bruce Raeburn, ex-directeur des Hogan Jazz Archive préfaceront l’ouvrage. On peut réserver un exemplaire à jazzedit@sfr.fr
Dan Vernhettes